Premier contact

Lundi 19 octobre 2015

Il est 9h, je rejoins Nathalie et Farrah, mes deux partenaires de projet, devant le 43 rue buffon. Aujourd'hui, nous rencontrons Philippe Maestrati, chercheur dans une unité mixte de recherche (UMR) de Malacogie. Il rentre tout juste d'une mission au Brésil et a accepté de nous recevoir.

Rue Censier, en prolongement de la rue Buffon
La grande galerie de l'évolution, juste en face



















Après un bref coup de téléphone à Mr Maestrati, il nous indique le chemin à suivre parmi ces nombreux bâtiments, il viendra ensuite à notre rencontre pour nous guider jusqu'à leurs locaux.
Nous voilà au 2e étage d'un grand batiment, la porte s'ouvre sur de vieux parquets grinçants et de hautes étagères surchargées. Par-ci par-là, on trouve quelques microscopes, de la paperasse, et des organismes sous vitres. Ces riches étalages légèrement poussiéreux collent à merveille avec l'image que l'on se fait des cabinets de curiosités du XVIIIe siècle.

Les locaux de l'UMR

Mr Maestrati nous fait entrer dans une bibliothèque où nous prenons place autour d'une grande table de réunion. Nous voilà tous les 4, les choses sérieuses vont pouvoir commencer.

La malacologie est l'étude des mollusques. Philippe Maestrati nous explique que la bibliothèque dans laquelle nous nous trouvons n'est ni plus ni moins que la 2e bibliothèque de malacologie la plus importante au monde et l'UMR dans laquelle nous sommes, bien qu'elle ne comporte que 2 chercheurs et une douzaine de techniciens ingénieurs, est la principale plaque tournante mondiale dans ce domaine.

Chaque année, cette UMR met en place plusieurs expéditions profondes et littorales afin d'inventorier de nombreuses espèces, en particulier dans le Sud-Ouest pacifique. Ces missions permettent de récolter du matériel, qui sera par la suite trié et identifié ici avant d'être mis à disposition et distribué aux scientifiques spécialisés du monde entier. Il émanera de tout ça, des articles scientifiques et des descriptions de nouvelles espèces.
Chaque année, ils récoltent entre 200 000 et 250 000 mollusques.

Mon carnet de notes

L'entrevue s'achève après avoir discuté de notre projet et de la façon dont nous souhaitions œuvrer. Nous informons Mr Maestrati que nous souhaiterions rencontrer le maximum de membres de son équipe, ainsi que nous familiariser autant que possible avec les lieux et leurs collections. Cela nous permettra réfléchir aux différents plans à tourner, et aux membres de l'équipe qu'il sera le plus intéressant d'interviewer. Enfin, nous fixons nos prochains rendez-vous, et nous voilà sur le chemin du retour, impatientes, et avec une foule de choses à penser.

Prochain rendez-vous fixé au jeudi 22 octobre à 9h.

Repérages des locaux

Jeudi 22 octobre - 9h

Nous voilà de retour au 43 rue buffon, mais nous sommes cette fois montées d'un étage. En effet, au 3e et dernier étage du bâtiment se trouve "le grenier" où l'équipe de malacologie a étendu ses quartiers. Nous nous attablons au poste de travail de Philippe Maestrati pour discuter de nos idées de reportage.

Le poste de travail de Philippe Maestrati

Nous avons songé à trois approches différentes :
 - Faire une vidéo sur les différents corps de métier rencontré dans ce laboratoire.
 - Faire une vidéo sur l'importance de la biodiversité et l'importance de la préserver.
 - Faire une vidéo sur le processus de découverte d'un nouvelle espèce, en prenant en fil rouge une espèce spécifique découverte récemment.

Cette dernière option semble la plus réalisable. En effet, les chercheurs et techniciens ingénieurs n'ont pas vraiment de rôles définis, et sont très polyvalents, décrire leurs métiers serait laborieux, quant à l'approche de la biodiversité, ils ne sont pas les mieux placés, M. Maestrati nous explique que leur rôle est plutôt de recenser les espèces, des organismes d'écologie prennent le relai après eux afin de protéger une faune et une flore à présent connues et seraient mieux placés pour intervenir sur ces questions.

Nous décidons donc que notre reportage se destinera plutôt à des élèves de collège (6e - biodiversité) et décrira étape par étape, la découverte récente d'une nouvelle espèce de mollusque. Il nous faut maintenant trouver notre espèce "fil rouge", avec l'aide de M. Maestrati.

Les espèces, ce n'est pas ce qui va nous manquer. ;)

Il est 9h45, nous partons tous les quatre faire un repérage des locaux. Pour commencer, nous restons dans le grenier, Philippe Maestrati nous emmène dans la typothèque. C'est une pièce refaite à neuf, remplie d'armoires métalliques dans lesquelles se trouve une énorme collection d'environ 13 000 spécimens de référence, classés dans l'ordre systématique (en fonction de leurs familles et de leurs genres) puis alphabétique. Ces spécimens sont répertoriés sur des fiches manuscrites mais sont actuellement en cours de numérisation, afin de rendre disponible sur internet la description et les photos de ces types.

Un tiroir de la typothèque

Nous quittons ensuite les étages de l'UMR de malacologie pour rejoindre le jardin des plantes juste en face. En dessous de la grande galerie de l'évolution se trouve la Zoothèque. Une énorme réserve de 3 étages où sont stockés tous les spécimens qui ne sont pas exposés dans la galerie et à laquelle on ne peut accéder que sur présentation d'un badge. Nous rentrons par des grilles verrouillées et descendons deux étages avant de renter dans un long couloir bétonné, ponctué de grandes portes. Il fait 15°C, l'hygrométrie est stable et régulée, et il n'y a aucune lumière du jour. Ces conditions sont étudiées pour préserver aux mieux les espèces présentes ici. À gauche, les portes mènent aux "cellules de compactus", qui sont les salles dans lesquelles sont rangé les spécimens. À droite, on trouve des salles de travail, et des salles de machinerie.

Dans le couloir où se trouvent les compactus de malacolie, des bidons dont entreposés. Ils contiennent tous les individus récoltés lors des dernières expéditions et qui n'ont pas encore été rentrés dans les collections.

Les bidons des dernières expéditions
Identification des bidons



















Dans les compactus, nous découvrons d'énormes étagères sur rails, que l'on déplace en faisant tourner d'énormes leviers présents sur chaque étagères. Ces pièces font 120m2 et chacune d'entre elles est dédiée à un seul groupe. Malgré la taille de la zoothèque, cette dernière est déjà pleine et fait l'objet de nombreuses réorganisations afin d'optimiser l'espace disponible. Actuellement, les spécimens sont rangés par ordre systématique et alphabétique.

L'intérieur d'un compactus de malacologie
L'organisation des étagères du compactus



















L'inconvénient majeur de ces méthodes de rangement, est qu'elles impliquent de laisser des espaces vides après chaque genre afin pouvoir rajouter de nouveaux spécimens.

L'intérieur des étagères du compactus
L'intérieur des étagères du compactus





Dans chaque tiroir se trouve des représentants de l'espèce identifié. Ce compactus ne contient que des échantillons secs mais il existe aussi un compactus de spécimens en alcool.

L'intérieur des tiroirs : Des spécimens secs et identifiés.

Ces spécimens en collection sont disponibles à l'étude pour les spécialistes du monde entier. 

Actuellement, un énorme travail de numérisation est en cours en parallèle avec des nouvelles méthodes d'études génétiques. Les nouveaux spécimens sont donc récoltés, puis séparés en deux ou trois parties : la coquille s'il y en a une, un échantillon de l'organisme destiné aux études génétiques, et le reste de l'organisme. Ces trois parties sont référencées et les données sont numérisées.

Nous quittons la zoothèque. 
Prochain rendez-vous jeudi 29 octobre.

En attendant, avec l'aide de Philippe Maestrati, nous tâcherons de trouver 
l'espèce fil rouge autour de laquelle s'articulera notre reportage. 

Hemilienardia ocellata


Jeudi 29 octobre

Aujourd'hui, notre synopsis se précise un peu. Nous commencerons par une mise en situation, une rapide présentation des lieux et de l'équipe de Philippe Maestrati avant de passer par chacune des étapes qui mènent à la découverte d'une nouvelle espèce.

En l'occurence, nous étudierons le cas d'Hemilienardia ocellata, un petit mollusque d'environ 5mm, trouvé assez fréquemment dans l'océan Indo-Pacifique, mais qui, selon des analyses moléculaires très récentes et pas encore publiées, englobe vraisemblablement plusieurs espèces différentes. 

Hemilienardia ocellata

Sebastien, un collègue de Philippe Maestrati, débordé ce jour là, interviendra en interview pour nous parler de la mise en place des expéditions. Nous pourrons également interviewer en anglais, un de leur collaborateur Russe, membre de leur vaste réseau d'amateurs, qui consacrent, à chaque retour d'expédition, de longues heures à l'étude des spécimens collectés.

Ce jour-là, Philippe nous raconte en détails comment se déroule une expédition et nous propose de visionner ce petit reportage consacré à une de leurs expéditions les plus récentes :


Ils peuvent partir à une cinquantaine de personnes, les plus polyvalentes possibles, des amateurs, des professionnels, des plongeurs, des pilotes, des étudiants... Les nationalités sont diverses et nombreuses. Ils font appel aux volontaires de la région, qui connaissent souvent très bien la faune et la flore rencontrée. Ils font à présent aussi appel à un médecin, pour intervenir en cas de blessures sur le terrain.

Sur place, leur emploi du temps est chronométré et défini chaque soir pour le lendemain. Les récoltes se font de jour comme de nuit, et chacun doit tenir le poste qui lui a été attribué. Les jours de repos sont rares, car l'expédition coûte très cher et chaque jour sur le terrain est précieux. Malgré le dur labeur sur place, les expéditions restent la partie la plus passionnante de ce métier, nous confie-t-il.

Un premier tri, effectué sur place, permet de séparer les mollusques des crustacés et des algues, puis les récoltes sont ramenées en France. Avant 2004, ils ne récupéraient que les mollusques, mais devant l'énorme gâchis que représentait la perte de tous les autres organismes, des mesures ont été prises pour collaborer avec d'autres professionnels afin de récolter également les crustacés et les algues.

Souvent, leurs expéditions sont suspectées d'abîmer la biodiversité. Il n'en est rien. Leurs récoltes représentent, dans l'immensité du milieu où elles ont lieu, l'équivalent d'une pincée de matériel prélevé par-ci par-là dans une grande maison. Leur impact sur l'environnement est quasiment nul.

P. Maestrati observant des spécimens à la loupe binoculaire

Au terme de cette passionnante conversation, Barbara Bruge nous attend dans son bureau, situé juste à côté de celui de Philippe Maestrati. Elle s'occupe des collections moléculaires et nous accorde un peu de son temps pour nous expliquer en quoi consiste son métier.

Les temps changent, et les nouvelles technologies ne cessent de faire évoluer le travail des scientifiques. Récemment, l'étude moléculaire a fait son entrée dans les laboratoires de recherche sur la biodiversité. Elle permet bien souvent de différencier des espèces anatomiquement très semblables. Malheureusement, elle comporte aussi quelques inconvénients. L'étude moléculaire implique la nécessité de travailler sur des spécimens vivants, afin de prélever du tissu, le plus frais possible. On ne peut donc pas étudier un vieux specimen dont il ne reste qu'une coquille. Le coût d'une étude moléculaire est élevé et enfin, une collection moléculaire nécessite beaucoup plus d'espace qu'une collection standard : En effet, pour chaque specimen, il faut un tube contenant l'échantillon de tissu pour l'analyse de l'ADN, un tube avec le reste des tissus, la coquille séchée si elle est présente et enfin les données moléculaires. Tous ces tubes et toutes ces données doivent ensuite être identifiés de façon a pouvoir retrouver toutes les pièces d'un même puzzle.

Tubes résultants de l'étude moléculaire
Les différentes pièces d'un même puzzle



















Pour ces études, on se base sur un gêne en particulier, le gêne mitochondrial CO1. C'est un gêne maternel, hautement conservé. Il permet de différencier les espèces, c'est ainsi que l'on a découvert qu'Hemilienardia ocellata englobait finalement plusieurs espèces différentes.

Pour établir des relations de parenté entre plusieurs espèces, on utilise 5 ou 6 gênes différents, nucléaires et mitochondriaux. L'étude moléculaire n'est pas encore systématique bien qu'elle soit de plus en plus fréquente.

Nous remercions Barbara pour toutes ces informations, nous pourrons l'interviewer au besoin le mois prochain.

Les trésors des recoins de ce "grenier" atypique

Notre matinée dans les locaux s'achève et Philippe nous donne rendez-vous lundi matin pour la rinçage et le tri de nouveaux échantillons, ce qui nous permettra d'en apprendre davantage et de capturer de belles images pour notre reportage.

Prochain rendez-vous lundi 2 novembre.

Rinçage et premiers plans

Lundi 2 novembre

Nous retrouvons aujourd'hui Philippe au rez de chaussée du bâtiment pour assister au rinçage de spécimens ramenés lors de la dernière expédition. La pièce dans laquelle nous nous trouvons est pleine de bocaux contenant divers animaux dans l'alcool, principalement des rongeurs et des oiseaux.

Des rongeurs dans l'alcool

Au fond, une porte vitrée donne accès à une petite cours dans laquelle sont entreposés de nombreux bidons remplis d'alcool et de flacons séparant divers spécimens. Il nous y emmène et nous présente les bidons métalliques répondant aux normes exigées, ainsi que l'intérieur de l'un d'entre eux.

Les bidons stockés dans la cour en attente de rinçage

L'intérieur d'un bidon

Nous rejoignons ensuite l'intérieur du batiment. Philippe doit à présent ouvrir et rincer le contenu de chacun des flacons contenus dans les bidons ramenés des expéditions, il vérifie au passage que les animaux ont bien été fixés par l'alcool. Il sort chaque contenu, le rince dans une petite passoire, puis les met à sécher dans des boîte en carton avec leur étiquette d'origine. Ces animaux seront laissés à sécher de quelques jours à quelques semaines en fonction de leur taille.

Philippe ouvre l'un des flacons
Des spécimens rincés et étiquetés, puis laissés à sécher

Nous sommes venues aujourd'hui avec deux appareils différents et un trépied, Nathalie filme caméra au point, et pose des questions à Philippe. Je fixe mon boitier sur le trépied et cherche à avoir un bon rendu des manipulations effectuées par Philippe mais il s'arrête souvent pour répondre à nos questions.


Philippe rinçant le contenu d'un flacon

Nous aurons l’occasion de reprendre des plans de ces manipulations, dans quelques semaines, il recevra l'aide de quelques volontaires pour continuer ce labeur à partir du 18 novembre et nous pourrons revenir les filmer.

Nous quittons Philippe et rejoignons Sébastien à l'étage, il nous donne rendez-vous vendredi matin à 9h afin que nous puissions l'interviewer sur l'organisation des expéditions.

Prochain rendez-vous : interview de Sébastien Vendredi 5 novembre 9h

Plans d'illustration et interviews

Jeudi 3 décembre

Après une matinée bien remplie à la fac, Farrah, Nathalie et moi filons pour rejoindre les locaux de l'équipe de malacologie après une absence forcée de quelques semaines pour notre stage en établissement.

Ce jour là, nous arrivons avec une liste des questions que nous allons poser à Philippe Maestrati et son collègue Sébastien Faninoz, ainsi qu'une idée assez précise des réponses que nous attendons. Nous devrons par la même occasion réaliser un maximum de plans d'illustration.

En arrivant sur place, nous commençons par filmer les lieux, malheureusement, la météo de Paris n'est pas vraiment coopérante, et le paysage semble fade et triste.


 Nous pénétrons dans les bureaux et retrouvons Philippe, accompagné de plusieurs chercheurs et bénévoles, attablés à une grande table encombrée d'échantillons et de matériel. Aujourd'hui ils identifient et trient des espèces, c'est une belle occasion pour nous, nous réalisons quelques plans de cette joyeuse équipe au travail.


Sébastien Faninoz nous rejoint, nous choisissons une pièce rénovée, sobre, et isolée du bruit ambiant afin de réaliser nos interviews. Nous demandons à Sébastien de s'attabler, et nous réglons notre matériel. Je me positionne à côté de la caméra pour poser les questions, Sébastien s'adressera à moi pour répondre, son regard ne sera donc pas directement vers la caméra mais juste à côté.

Nous faisons répondre Sébastien par des phrases courtes, et lui demandons de reformuler les questions afin qu'on puisse couper nos interventions par la suite. Il est très efficace, et en moins de 20min nous obtenons les images que nous voulions.

C'est au tour de Philippe. Nous aimerions changer de décor, malheureusement, cette petite pièce, la typothèque (vu dans le premier article) est la seule qui est assez isolée du bruit pour que nous puissions obtenir un enregistrement du son correct. Nous décidons d'opter pour un subterfuge, nous plaçons Philippe du côté opposé de la table par rapport au côté où nous avions placé Sébastien, nous changeons légèrement le matériel présent sur cette dernière, et le tour est joué.


Philippe répond à Nathalie, placée à côté de la caméra, il définit sans même que nous ayons à le lui demander les termes scientifiques et les acronymes qu'il emploie.

Petit pépin de mi-parcours, la carte mémoire de notre caméra est pleine. Heureusement, un câble USB trainait dans mon sac et Farrah avait emporté son ordinateur portable. Nous exportons donc rapidement les vidéos réalisées et vidons la carte mémoire pour reprendre l'interview.

Une fois nos interviews réalisées, nous partons caméras aux poings, vadrouiller dans les locaux à la recherche de plans d'illustrations. La bibliothèque, les bureaux, les nombreux échantillons entreposés nous laissent un large choix.


Philippe nous ramène des spécimens d'Hemilienardia ocellata afin que nous puissions en capturer des images. Les coquilles sont minuscules, nous avons donc recours à la loupe, et à un objectif photo macroscopique que nous prête gentiment Philippe.

Hemilienardia ocellata (taille réelle 5mm)

Nous voilà prêtes à quitter le laboratoire de Malacogie, nous saluons Philippe qui nous précise que nous sommes les bienvenues s'il venait à nous manquer des images.

À nous le montage. ;)